Il est sorti le 23 janvier dernier, tout le monde en a entendu parler un minimum : le Rapport 2023 sur l'état du sexisme en France par le Haut Conseil à l'Égalité.
Et les résultats sont assez édifiants, pour ne pas dire tristes : le sexisme ne recule pas en France. Pire, il s'aggrave.
Inégalités : Tout le monde est d'accord pour dire qu'elles existent, et c'est tout.
On commence avec quelques chiffres pour se mettre dans l'ambiance :
Aujourd'hui, "93 % [des Françaises et Français] estiment que les femmes et les hommes ne connaissent pas le même traitement dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille…)".
Pourtant :
23% des hommes de 25-34 ans estiment qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter.
40% (tous âges confondus) trouvent normal que les femmes s'arrêtent de travailler pour s'occuper des enfants.
Du côté des femmes :
80% estiment être moins bien traitées que les hommes en raison de leur sexe,
37% disent avoir déjà subi des rapports sexuels non consentis. Et non, on ne parle pas que des viols commis par un inconnu dans une ruelle, mais aussi des rapports sexuels non consentis quand les femmes cèdent sous l'insistance de leur partenaire, sous l'emprise d'alcool ou de drogue, on parle aussi du préservatif retiré par surprise, etc...
Et pendant ce temps,
+ 24 % : c'est la hausse du nombre de victimes d’infractions sexuelles commises en dehors de la famille enregistrées entre 2020 et 2021,
+14 % : c'est la hausse des « morts violentes au sein du couple » recensées par les services de police et unités de gendarmerie en 2021 par rapport à 2020.
C'est un peu comme si on me disait « Ta maison brûle » et que je répondais « Oui, merci, je sais ». En rajoutant de l'essence.
Que les hommes prennent leurs responsabilités
Le rapport du HCE précise que "la première enquête Interstats sur les victimes du sexisme en France indique que 220 000 personnes ont été enregistrées comme victimes d’infractions sexistes par la police et la gendarmerie nationales en 2020."
Ce qui me dérange un peu dans tout ce rapport, c'est qu'il donne pas mal de statistiques de manière passive : on pose les questions et on donne les réponses par rapport aux victimes.
Oui, 220 000 victimes, mais combien d'agresseurs ?
Je pense que si on responsabilisait plus les agresseurs, on entendrait peut-être moins de : « Pas tous les hommes. »
En passant, arrête avec ça.
Quand un cycliste te dit : « Les automobilistes sont hyper dangereux », tu ne lui réponds pas : « Ah non ! Pas tous les automobilistes. » Pourquoi ? Parce que tu sais très bien ce qu'il veut dire. Bah... Là, c'est pareil.
Quand enfin on parle des agresseurs, les chiffres sont plutôt parlants :
145 000 personnes ont été mises en cause pour des crimes ou délits à caractère sexiste en 2020, quasi exclusivement des hommes (90 %)*
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Qu'il est temps que les hommes gèrent leurs problèmes et qu'on arrête de remettre la faute sur les jupes et/ou le maquillage. (Qui, soit dit en passant, n'ont rien demandé non plus.)
Personnellement, j'en ai marre d'adopter des stratégies d'évitement comme si c'était normal de :
Ne pas sortir seule ou trop tard,
Ne pas mettre certains vêtements,
Ne pas dire certaines choses...
Et je suis loin d'être la seule à faire ça. Toutes les femmes que je connais le font !
Je cite le rapport pour prouver mes propos : "9 femmes interrogées sur 10 affirment anticiper les actes et les propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir."
Donc, ça me fait vriller quand j'entends des phrases comme :
« À cause des féministes, on ne peut plus draguer. »
Où comment c'est encore de la faute des femmes si un homme ne peut pas choper tranquille.
Mais mec (oui, je suis énervée 😅), tu ne devrais pas en vouloir aux femmes d'être méfiantes.
Franchement, si je te tendais un paquet de bonbons en te disant qu'il y en a 10% qui sont empoisonnés, tu en prendrais ? Je ne crois pas, non.
Tu devrais en vouloir à tes amis/connaissances qui ont des comportements complètement limites (qui empoisonnent le paquet de bonbecs.)
CQFD. Donc, tu te retrousses les manches et tu fais des efforts. La confiance, ça se gagne. Et surtout, tu vas ouvrir ta bouche pour remettre tes potos à leurs places.
On a peur dehors mais aussi chez nous
Tu sais, le pire dans tout ça ? C'est que si les femmes ont peur/se méfient en dehors de chez elles et adoptent des techniques d'évitement à peu près partout, certaines ont aussi peur chez elles.
77 % de ces auteurs présumés le sont pour des infractions commises dans le cadre conjugal (111 000 dont 88 % sont des hommes)*
9 victimes sur 10 connaissent l’agresseur**
Est-ce qu'on peut encore dire que c'est un problème de femmes ? Non. C'est un problème d'hommes. Il est temps, vraiment, que chacun fasse sa part. Et clairement, une aide active serait bienvenue pour faire avancer les choses plus vite, et même, pour éviter qu'elles ne reculent.
Ces dernières années ont été marquées par le recul des droits des femmes dans beaucoup de pays :
La limitation extrême du droit à l'avortement en Pologne en 2020
La prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan, en 2021, qui ont ôté aux femmes leur liberté.
L'abrogation de l'arrêt Roe vs Wade aux Etats-Unis, qui est énorme recul sur le droit à l'avortement, en 2022.
Quand on met en parallèle tout ça avec le fait que "23% des hommes de 25-34 ans estiment qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter" (et ça, juste en France) et la montée en puissance de l'idéologie masculiniste, on se dit :
Que certains voient la liberté des femmes comme une menace pour leur virilité. Et ils sont quand même suffisamment nombreux pour faire reculer les droits des femmes de façon drastique.
Que le déni est bien présent.
Un gros déni de la part des hommes ?
Le rapport du HCE montre bien qu'encore beaucoup d'hommes peinent à se sentir concernés par le sexisme et ses conséquences, et n'engagent pas leur responsabilité. Extraits :
Les hommes interrogés refusent en grande partie de considérer qu’il existe un problème structurel : ainsi, 7 hommes sur 10 considèrent qu’on généralise en considérant que « les hommes sont tous sexistes » ; Rappelle-toi l'histoire du cycliste...
Alors que 37 % des femmes ont déjà vécu une situation de non consentement, seuls 12 % des hommes déclarent qu’ils ont déjà insisté pour avoir un rapport sexuel alors que leur partenaire n’en avait pas envie et 10 % qu’ils ont déjà eu un doute sur le consentement de leur partenaire. Cet écart de vision est tout de même assez parlant.
23 % des hommes considèrent qu’on en fait trop sur les agressions sexuelles. Excusez-nous de vous déranger, les gars.
Clairement, il y a une différence entre ce qui est dit et ce qui se passe réellement.
Et ce qui se cache derrière le "Pas tous les hommes" et le "Je ne suis pas comme les mecs dans les chiffres", c'est le déni.
Est-ce par peur de réaliser :
Qu'eux aussi ont peut-être (sans doute) commis des actes répréhensibles ?
Qu'ils ne sont pas si innocents ?
Qu'en acceptant les propos/actes sexistes et misogynes de leurs connaissances, ils perpétuent le sexisme et permettent à ces mêmes connaissances de passer la ligne des "gars biens" ?
La BD "La Ligne" de Emma_clit, explique très bien ce concept de ligne. Petit extrait :
Edit :
Qu'en est-il de la lutte contre violences faites aux femmes ?
Oui, parce que la Journée Internationale des Droits des Femmes, c'est très bien, mais ça ne fait pas tout. Quels outils et actions sont mises en place pour participer à la lutte de contre les violences ? Qu'est-ce qui manque ?
Ce qui existe déjà
Le numéro national d’écoute téléphonique, le 3919 « Violences Femmes info » : Cette plateforme d'écoute anonyme et gratuite assure une information à destination des femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés.
Le site arretonslesviolences.gouv.fr où vous pourrez notamment :
En savoir plus sur les différents types de violences sexistes,
Trouver des associations pour vous aider si vous êtes victime de violence,
Des conseils si vous êtes témoins de violences sexistes,
La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) publie régulièrement la Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes. Mais cette information reste très confidentielle à mon avis. Ses impacts sont donc assez minimes, je pense.
L'application App'Elles qui permet de :
Alerter vos contacts de confiance en temps réel en cas de situation un peu louche,
Aider vos proches en détresse et organiser les secours
Trouver l'aide professionnelle proche de vous
Un escape game pour sensibiliser au sexisme en entreprise par Collock et le MEDEF
Ce qui manque ?
Mais qu'est-ce qu'il manque pour que la lutte contre le sexisme soit vraiment effective ? Parce que ce rapport nous le montre bien, en parler c'est bien, mais ça ne suffit pas.
Que les actes aient vraiment des conséquences
On le voit clairement dans les hautes sphères de l'état, les scandales se multiplient et il ne se passe rien. Ce n'est pas étonnant alors que le constat soit si noir à l'échelle de la France. Ce rapport est le reflet de comment 50% de la population est relégué au second plan par l'état.
Certes, après avoir lu cet article, il y a peu de chance que tu sautes de joie. Ou alors, tu n'as sans doute rien à faire ici. 😬
Cela dit, toutes ces informations sont assez éclairantes quant à notre capacité à fermer les yeux. Maintenant qu'on le sait, ouvrons-les.
Sources :
Rapport 2023 sur l'état du sexisme en France par le Haut Conseil à l'Égalité
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